Faith Beyond Belief

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Le chrétien devrait-il appuyer la loi 21?

Après plusieurs mois de controverse, la Loi sur la laïcité de l’État, communément appelée « loi 21 », est adoptée. En tant que chrétiens québécois, que devrions-nous en penser? Devrions-nous nous en réjouir ou nous en inquiéter? Il convient de se questionner sur les décisions que prennent nos élus et de juger si elles concordent avec nos valeurs et notre vision du monde. La loi 21 interdit à certains employés du gouvernement québécois de porter des signes religieux en milieu de travail. Comme nous en avons discuté dans un billet antérieur, la loi 21 comporte plusieurs problèmes. Dans ce billet, nous allons nous focaliser sur ce qui semble être particulièrement problématique pour le chrétien, c’est-à-dire, le fait que la loi 21 contrevient à deux de ses piliers. Elle va en premier lieu à l’encontre de la liberté de religion et de conscience. Deuxièmement, elle contrevient à la séparation de l’État et des religions.

La liberté religieuse, c’est précisément le droit de vivre selon ses convictions les plus profondes et de les exprimer. Tertullien et Lactance y faisaient déjà référence au IIeet IVe siècle. Les chrétiens, ayant été persécutés pour leur foi pendant les trois premiers siècles de notre ère, devraient d’autant plus faire valoir la liberté de religion. Comme le mentionne Duke(2016) la liberté religieuse est implicitement enseignée dans le texte biblique, où elle semble prise pour acquise comme une condition sociétale nécessaire à la propagation de l’Évangile.Par ailleurs, Dieu veut des adorateurs qui le servent librement (Jos. 24:15). Il est le créateur de l’homme, et l’État ne peut pas interférer entre Lui et sa créature. L’État reçoit de Dieu l’autorité de gérer les choses séculières (Rom. 13:1), mais il revient à Dieu de régir les choses spirituelles (Luc 20:25). Ce dernier principe biblique, selon lequel Dieu régit les choses spirituelles et les hommes les choses matérielles, nous montre que la Bible enseigne une forme de séparation de l’État d’avec les religions. La loi 21 contrevient à ce principe, puisqu’en légiférant sur ce qu’est une expression légitime de la religion, elle s’ingère dans un domaine qu’il revient à Dieu d’administrer. Il s’ensuit que le chrétien n’est plus libre d’exprimer sa foi de la manière qu’il le désire.

 

Pour certains chrétiens au Québec, cette loi peut paraître à première vue anodine, voire convenable. Ce pourrait-il que de soit dû au fait qu’elle semble ne pas avoir de conséquences directes sur eux? En effet, le christianisme ne requiert généralement pas de ses adhérents qu’ils portent des signes religieux. On verrait alors en cette loi une façon de réduire la croissance et l’influence de certaines religions étrangères au sein de la société québécoise. Est-il légitime pour un chrétien d’appuyer une école de pensée qui soit injuste, pour autant qu’elle n’ait aucune incidence sur sa vie personnelle? La règle d’or du christianisme va comme suit « Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux »(Luc 6:31)


Parallèlement, l’histoire nous montre bien à quel point nous sommes redevables à la liberté de religion. Sans elle, les Canadiens-français auraient été forcés de se convertir au protestantisme ou d’accepter d’être opprimés pour leur foi. Et avant eux, les protestants européens, dépourvus de cette liberté religieuse, ont souffert aux mains des catholiques. Pourquoi, en tant que chrétiens, accepterions-nous ces « deux poids, deux mesures », sachant bien que le Seigneur en a horreur (Pro. 20:10)? Vivre dans une société où fleurit la liberté de religion vient à un coût, celui d’accorder cette même liberté à ceux qui ne partagent pas nos convictions. Les dispositions qui nous permettent de vivre et d’exprimer notre foi sont les mêmes qui permettent à la musulmane de porter le voile et au sikh son turban. Ainsi, en restreignant la liberté religieuse des autres, nous restreindrions également la-nôtre. Dieu savait que Son peuple serait mêlé à des gens de toutes sortes de convictions, mais Il donne à ses enfants l’ordre de laisser le blé pousser avec l’ivraie (Mat. 13:24-30). Dieu se réserve le droit de faire le tri au retour de Jésus, mais pour l’instant, Il nous demande de vivre ensemble. Cela implique d’accepter que tous bénéficient des mêmes libertés, sans égard à leurs croyances particulières. 

Certains avanceront que la loi 21 n’empêche personne de pratiquer sa religion, puisqu’elle requiert seulement de s’abstenir de porter des signes religieux au travail. Cette objection est basée sur la fausse présupposition selon laquelle la religion relève strictement du domaine privé et qu’elle ne devrait pas être exprimée dans la sphère publique. La liberté de religion implique non seulement que chacun adhère impunément aux croyances de son choix. Elle implique aussi que personne ne soit contraint d’agir de manière qui bafoue leur conscience et leur croyance –tant en privé qu’en public. 

La loi 21 est-elle donc sans effet sur le chrétien? C’est la liberté de conscience qui permet au médecin de refuser de pratiquer l’avortement ou l’euthanasie. Lorsque jumelée avec la liberté religieuse, elle donne le droit au chrétien d’évangéliser et de tenir des croyances divergentes du reste de la société sur la sexualité ou autres enjeux contemporains et de vivre selon ses convictions. S’il devient légitime de brimer ces libertés au nom de la laïcité, on peut anticiper la perte de tels droits. Plusieurs le disent déjà : dans un État laïque, les organisations religieux ne devraient pas être exemptés de taxes.Qu’adviendra-t-il des subventions aux écoles privées chrétiennes si nous continuons d’aller dans cette direction? Le chrétien qui défend la loi 21 s’accule dans un paradoxe : il rejette sa protection légale dans le cas où on retournerait les dispositions de cette loi contre lui. 

En somme, la loi 21 brime une liberté de religion cohérente avec le christianisme. Lorsque tous peuvent paisiblement vivre leur foi, nous gagnons collectivement une meilleure cohésion sociale. Cependant, pour pouvoir vivre en paix, il faut laisser vivre en paix. Vouloir la liberté de religion pour soi-même et restreindre celle des autres est aussi contradictoire que cette citation attribuée à Antoine de Saint-Just « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ».